La milice Wagner, symbole de l’impérialisme russe
La milice Wagner a réussi à se faire une place dans le débat médiatique, malgré un pouvoir réellement disproportionné par rapport à sa notoriété. Mais avec les provocations de son fondateur et les méthodes violentes utilisées, selon le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, Wagner est désormais devenu le symbole de l’impérialisme russe.
Le chef de la milice Wagner, Evgueni Prigojine, n’a pas prouvé son efficacité militaire, mais a montré ses capacités en matière de communication. Le groupe Wagner a su se faire une place dans le débat médiatique grâce à son mélange de violence, de sadisme et de provocation, ainsi qu’à sa maîtrise des réseaux sociaux et des codes médiatiques. Une simple recherche Google sur « Wagner » renverra plus d’articles relatifs à la milice qu’au compositeur allemand.
Wagner a réussi à se donner une image de garde noble du pouvoir russe, invincible et redoutable, bien que nul ne sache exactement de combien d’hommes dispose la milice, ni exactement dans quels pays elle intervient et pour quels contrats.
Crever l’écran
Officiellement fondée en 2014, Wagner est restée longtemps sous les radars. Mais ces dernières années, le groupe a investi le champ médiatique et s’est forgé son image actuelle, basée sur la provocation, la violence et la fascination pour les groupes paramilitaires.
Le fil Telegram de la milice Wagner offre des dessins animés hybrides entre le manga japonais et le comics américain. Les héros de Wagner défendent la veuve et l’orphelin africain contre des êtres malotrus dont on comprend vite qu’il s’agit de soldats français. Le message est d’abord adressé aux Russes, et diffusé en russe : « Si vous aimez l’aventure, engagez-vous. »
La déliquescence du Sahel a offert à Wagner une seconde jeunesse, passant de la surveillance des usines pétrolières à la garde présidentielle des juntes intérimaires. Le groupe a intervenu dans de nombreux pays dont le Mali, la Centrafrique, la République démocratique du Congo, l’Angola, la Guinée, le Soudan et bien d’autres. Malgré tout, son efficacité réelle est largement surestimée. Il est donc devenu le bouc émissaire idéal pour les déboires français. Les accuser permet de se voiler la face sur les causes réelles de ces échecs, tout en donnant une aura supplémentaire au groupe paramilitaire.
Le tournant ukrainien
En Ukraine, la milice Wagner devait à elle seule changer le cours de la guerre, mais cela ne s’est pas produit. Depuis des semaines que la milice combat dans la ville de Bakhmout, elle n’a toujours pas réussi à la prendre. Difficile de savoir de combien d’hommes et d’armes elle dispose réellement, tout comme la nature exacte de ses liens avec Poutine et le ministère de la Défense.
C’est bon pour le recrutement, bon pour les financements, bon pour l’image. Quand bien même ce serait faux, cela sert les intérêts de Moscou : plus Wagner sera célèbre et réputée pour sa cruauté, plus il sera aisé de lui imputer les crimes de guerre et d’ainsi dédouaner l’armée russe. Dans ce jeu macabre, chacun sert le jeu de l’autre.
L’efficacité de Wagner n’est donc pas tant militaire que politique et médiatique. Il s’agit d’une guerre de communication, qui masque souvent les piétinements sur le terrain.